Biographie
Avant le départ:
Comité de Recrutement de l’Équipe Scientifique de l'Arche : Bonjour mademoiselle Addlehold
Adelia: Bonjour
CRSA:Détendez-vous, cet entretien est une simple formalité. Pour ce qui concerne le choix de l'équipe au départ, vous êtes déjà présélectionnée. Mais comme vous le savez, nous souhaiterions mieux vous connaître: parlez-nous de vous...
Adelia:Eh bien... Je rêve de ce voyage depuis toujours. J'ai 34 ans, et j'ai consacré ma vie à la recherche botanique, dans le but de préserver les espèces existantes, de mener des recherches sur les espèces disparues et d'en découvrir de nouvelles ainsi que leurs spécificités. J'ai aussi toujours souhaité travailler en lien étroit avec la recherche médicale, je suis persuadée que nous pourrions tirer plus d'un bénéfices à revenir progressivement aux soins naturels, sans annexer pour autant notre médecine de pointe. Les deux peuvent cohabiter.
CRSA: Comment vous décririez-vous?
Adelia: Comme quelqu'un de tenace. Et de passionné. Néanmoins, je préfère la réflexion à l'impulsion.
CRSA: Quels sont vos atouts pour cette mission?
Adelia: Je suis une spécialiste dans ma branche, j'ai mené une thèse avec le Docteur Ezra Simenrold sur l'adaptabilité des végétaux hors de la gravité terrestre. J'espère pouvoir découvrir et naturaliser de nouvelles espèces pour le bénéfice humain.
CRSA: Quelles sont vos relations avec les autres?
Adelia: Bonnes en générale *rire*, je m'adapte relativement bien.
CRSA: Vous sentez-vous prête pour un voyage spatial de plusieurs mois, peut-être plusieurs années?
Adelia: Honnêtement... J'ignore si quiconque peut se sentir un jour prêt à franchir un tel pas de géant sans avoir le vertige. Mais si le sens de votre question est de tester ma détermination, je suis prête à partir, oui.
CRSA: Merci mademoiselle Addlehold.
Un voyage mouvementé
Entrée 01 du journal de bord d'Adelia Addlehold, chargement en cours, veuillez patienter...
Bonjour,
Je m'appelle Adelia Addlehold, j'ai 34 ans. Comme les membres de notre service l'ont suggéré, chacun d'entre nous enregistre son journal de bord, pour garder une trace de notre périple, et pour transmettre à notre retour les résultats de nos recherches...
Il y a encore peu à dire alors que nous venons juste de partir, mais il paraît que nos impressions sont importantes pour la postérité, donc...
Voici que l'aventure commence le rêve de toute une vie.
Le rêve d'Ezra, mon professeur, et ami. Mon rêve aussi.
Je suis fière de pouvoir poursuivre son travail.
Pour le moment, il reste difficile de savoir combien de temps durera notre voyage, mais l'idée de faire partie des premiers naturalistes à peut-être avoir le privilège de découvrir et d'inventorier les espèces végétales d'un nouveau monde vaut bien les incertitudes de ce périple.
Entrée 29 du journal de bord d'Adelia Addlehold, chargement en cours, veuillez patienter...
Les protocoles sont en place, et nos laboratoires prêts. Cela ne m'enchante pas beaucoup de voyager en compagnie de militaires, les armes et moi, ça n'a jamais fait bon ménage. Mais nous ne savons pas ce que nous trouverons sur place, si nous découvrons d'où venaient les Reïn’ta. Espérons seulement que nous n'aurons pas besoin de leurs "arguments". Puisque je dois être franche avec cet enregistrement, si nous devions trouver une forme de vie intelligente, il serait plutôt déplorable de commencer nos relations par le jeu des armes.
Mais je m'égare.
Notre voyage se poursuit sans encombres, et la vie à bord s'organise plutôt bien, même s'il me tarde de retrouver un vrai ciel.
L'équipe scientifique est passionnante, et nous commençons à nouer de bonnes relations.
Reprise de la transmission après le repas.
Entrée 51 du journal de bord d'Adelia Addlehold, chargement en cours, veuillez patienter...
Nous entrons dans le cadrant de Jupiter, et chaque jour qui nous rapproche du site Reïn’ta augmente nos chances de trouver de quelle planète cette espèce incroyable a pu venir. Les différentes équipes de bord confrontent déjà leurs théories. Ce qui est de plus en plus certain, c'est que chaque jour qui passe nous rapproche de notre objectif.
Je sais bien que cela pourrait prendre encore des mois, mais qu'importe: nous sommes sur la bonne piste.
Entrée 79 du journal de bord d'Adelia Addlehold, chargement en cours, veuillez patienter...
Le vaisseau est en difficulté! Nous avons perdu le contrôle! Nous sommes en train de nous écraser! L'équipage fait ce qu'il peut pour tenter un atterrissage en catastrophe... oh mon Dieu!
-Transmission interrompue-
Entrée 80 du journal de bord d'Adelia Addlehold, chargement en cours, veuillez patienter... Enregistrement du Docteur Sullivan
Le Docteur en botanique Adelia Addlehold, 34 ans, sexe féminin a été intégrée à la section médicale. Pronostic vital non engagé.
Diagnostique: traumatisme crânien et fractures multiples dont vertébrales. Les fractures ont été réduites mais la moelle épinière est touchée. Risque de paralysie à confirmer par examens complémentaires.Entrée 81 du journal de bord d'Adelia Addlehold, chargement en cours, veuillez patienter...Bonjour cher journal, me revoilà. Plus ou moins entière.
Il paraît que j'ai de la chance d'être encore en vie. Je suppose que c'est vrai. Je finirais par m'y faire, vu que je n'ai pas le choix... Quelle ironie: le projet de toute une vie qui finit par aboutir et je ne tiens même plus sur mes pieds pour en profiter!
Mais je m'égare. L'équipe médicale a été géniale, sans eux je ne serai plus là. Et qui sait ce que nous découvrirons sur place.
J'ai de la chance d'être en vie. Il faut juste que je m'habitue à vivre assise, du moins pour le moment.
Entrée 89 du journal de bord d'Adelia Addlehold, chargement en cours, veuillez patienter...Depuis l'atterrissage catastrophe qui nous a projetés ici malgré nous, nous avons établi le contact avec plusieurs peuples locaux. Rencontrer d'autres espèces civilisées a entraîné de nombreuses discussions au sein de notre équipe. Beaucoup de mes collègues aimeraient étudier de plus près nos fameux "nouveaux amis". Pour ma part, j'y suis relativement opposée. Si les rôles avaient été inversés et si nous étions visités sur Terre, peu des nôtres apprécieraient d'être considérés comme des sujets d'études.
Je sais que cette réaction s'éloigne de toute démarche scientifique, j'en suis consciente.
Mais si nous voulons apprendre de ces gens, nous ne le ferons qu'en les traitant avec le même respect et la même déférence qu'à nos pairs. Nous avons l'incroyable chance de pouvoir échanger avec eux.
Cela devrait être suffisant.
Entrée 102 du journal de bord d'Adelia Addlehold, chargement en cours, veuillez patienter...Malgré mon actuel handicap, j'ai réussi à trouver ma place au sein de la petite communauté en train de se fonder sur Soreän -ainsi que les habitants de ce monde nomment la planète-: j'ai réussi à adapter quelques espèces comestibles et médicinales emportées avec nous de la Terre sur le sol Sorëanien. Nous devrions pouvoir en tirer quelques ressources d'ici quelques mois, ce qui nous permettra autant un peu d'autonomie que des échanges fructueux avec nos nouveaux voisins.
Nous avons établi quelques relations commerciales avec les peuples locaux, même si cela semble avoir soulevé des distensions politiques pour les Soreäniens.
Ces gens sont incroyables, ils ont tellement à nous apprendre... Espérons que nous ne troublions pas trop l'équilibre de leur monde...
Entrée 241 du journal de bord d'Adelia Addlehold, chargement en cours, veuillez patienter...Les communications avec la Terre ont été rétablies. Mais tant d'événements se sont succédé depuis que nous sommes ici...
Des amitiés sont nées, les tensions qui semblaient menacer cette société si complexe ont éclaté. Et nous en sommes en partie responsables.
Il paraît que je peux rentrer sur Terre. Mes parents m'ont suppliée de faire le voyage retour pour être prise en charge par un centre hospitalier en mesure de me rendre mes jambes.
Je ne peux pas nier en avoir rêvé... Mais j'ai la sensation d'avoir des responsabilités ici bas. Il y a la Fédération, et tout ce qu'elle a bâti, et tout ce que je peux encore lui apporter... Cet endroit, même si cela est difficile à expliquer est devenu mon foyer.
Le retour sera pour une prochaine fois. J'ai même fini par m'habituer à cette nouvelle manière de vivre, et le fauteuil que mes amis de l'ingénierie technologique ont pu me fournir me fait parfois oublier les limites de ma mobilité.
Pour le moment, ma vie est ici.
***
De nos jours...Adelia referma le fichier qu'elle était en train de consulter et se frotta les yeux avec un soupir. Un regard sur l'horloge numérique lui indiqua minuit dix.
Avec une vague moue, elle contempla l'échantillon végétal sur sa table de travail et haussa les épaules.
Rien qui ne puisse attendre six petites heures de sommeil...
Elle s'apprêta à quitter le laboratoire pour rejoindre ses appartements lorsque Parvati passa la porte en se raclant la gorge.
- Toujours pas couchée?
- Comme tu peux le constater, mais toi...?
- Je suis d'astreinte. Au fait, tu as un appel sur le canal de la salle de repos.
- L'université?
- Non, tes parents...
Levant les yeux au plafond, la jeune femme souffla une mèche de son front et programma son fauteuil pour prendre la direction de la salle de repos.
- Souhaite-moi bonne chance...
Parvati la regarda partir avec un léger gloussement. Malgré la plaisanterie et la lassitude feinte, Adelia était heureuse de cet appel.
Même si elle savait que la conversation allait dégénérer. Comme toutes les précédentes.
Pourtant, entendre les voix familières de ses parents, pouvoir converser avec eux, même par écran interposés était plus qu'elle n'en avait espéré les premiers temps du séjour forcé de l'Arche sur Sorëan.
Elle entra dans la pièce et activa la transmission. L'image de son père et sa mère se forma, affichant leurs expressions anxieuses et désapprobatrices.
- Dely ! Tu as les traits tirés.
- Moi aussi je suis contente de vous voir.
- Essaie d'être sérieuse cinq minutes. Je suppose que tu sais de quoi nous voulons te parler...
- Oh oui. Comme les dix dernières fois. Et je n'ai pas changé d'avis. Je sais que c'est difficile à comprendre, mais pour le moment, ma vie est ici. J'ai des engagements, des devoirs, des amis qui comptent sur moi...
- Et tout cela vaut plus que ta santé? siffla son père. "Dely chérie, Dieu sait que je te soutiens, mais par pitié, cesses de faire l'enfant. J'ai des relations à la clinique privée de Bradford, prêts à t’accueillir et te soigner dès ton retour... Ce ne serait l'affaire que de quelques mois et tu pourrais reprendre ta course à la gloire...
Le visage d'Adelia s'assombrit.
- C'est vraiment ce que tu pense de mon travail? De ma vie ici?
Pendant un instant, leurs regards s'affrontèrent, et Seamus baissa les yeux le premier. De frustration.
Insister ne servirait qu'à provoquer une énième dispute.
Ce fut Molly qui répondit à sa place.
- Essaie de comprendre chérie: nous n'avons qu'une seule fille... Et l'endroit où tu te trouve a l'air tellement dangereux...
Ta place est ici, auprès des tiens...
Adelia se radoucit.
- Je ferai attention maman, c'est promis. Et je te comprends. Mais je dois terminer ce que j'ai commencé.
Le regard de sa mère exprima le chagrin mais elle hocha la tête.
- Si c'est ce que tu veux... Mais promets-nous que tu rentreras. Même si ça doit être dans un mois, dans six mois, dans un an...
- C'est promis.
Le couple lui sourit, malgré un dernier regard paternel lourd de reproches, et l'image disparut.
En son for intérieur, Adelia regagna ses quartiers le cœur un peu plus léger.
Un répit de gagné.
Cela lui permettrait de se consacrer plus pleinement à la foule de questions que sa nouvelle vie sur Sorëan lui apportait quotidiennement.
Pour la première fois depuis des années, elle avait la sensation étonnante de vivre réellement.