Si Ayala a un physique avenant, son caractère est à l'inverse de son apparence. D'abord plutôt froid, elle se montre directe, voir même brusque et à la limite de l'impolitesse.
Elle n'hésite pas à dire ce qu'elle pense, impose souvent son point de vue et semble détester la compagnie des gens. Misandre, elle méprise les hommes, se montrant d'autant plus mal embouchée en face d'eux. Ce n'est déjà pas très glorieux avec les femmes, elle devient simplement insupportable avec la gent masculine, se sentant continuellement en compétition avec eux, comme si elle devait forcément les rabaisser pour prouver quelque chose.

L'Arcaniste est talentueuse et elle le sait, la rendant encore plus imbuvable. Pour elle, rien ne semble supplanter l'appât du gain : elle demande généralement un prix énorme pour ses créations. Mais force est de reconnaître qu'elles le valent largement. Ses bâtons de combat enchantés sont une merveille de réalisation et l'enchantement puissant et durable à fait ses preuves. Comme meilleur publicité, elle combat d'ailleurs avec l'une de ses meilleures créations, qu'elle a nommé affectueusement Ryna en hommage aux déesses de la lune. Étonnement, Ayala est assez pieuse, priant généralement les différents dieux avec ferveur. Mais une bourse bien remplie est la meilleure des prières pour l'adoucir, elle. Elle peut paraître pingre, mais étant de basse extraction, elle se définit surtout comme économe. On ne sait jamais de quoi demain sera fait.

Méthodique, voir maniaque, Ayala est une femme complexe, car secrète et peu loquace. Hautaine, elle a une certaine tendance à se montrer langue-de-vipère envers les autres.
Elle ne supporte pas la rivalité et la compétition, et a toujours tout fait pour ne pas être une faible femme. C'est simple : elle se comporte souvent comme un homme en buvant comme un trou et en jurant comme un charretier, capable de se mesurer physiquement à eux. Elle n'est pas une fleur délicate, se montrant brutale et exigeante tant envers elle-même qu'envers les autres.
Néanmoins, ce tempérament excessif cache un malaise plus profond. Elle a du mal à se lier, du mal à se montrer tendre. Elle a pris l'habitude de cacher ses sentiments et de les refouler au fond d'elle depuis petite fille et ne compte pas s'ouvrir un jour, du moins c'est ce qu'elle prétend. Ne se sentant en sécurité avec personne, elle n'accepte pas qu'on puisse la protéger : elle n'a besoin de personne pour ça.

Ayala est une femme de petite taille, mesurant un mètre cinquante-trois, pour un poids plume d'environ quarante-cinq kilos. Menue, elle ne paye pas de mine. Elle est une jolie femme, au visage harmonieux, dont le nez retroussé est surmonté par deux yeux d'un bleu cobalt en amande. Une jolie bouche rosée et pulpeuse tranche sur sa peau très pâle.
Elle a des cheveux argentés très particuliers, lui donnant une allure un peu éthérée au naturel. Ses cheveux lui arrivent en bas du dos mais elle les retient la plupart du temps en une natte remontée en chignon, si bien que beaucoup ne se doutent pas de leur longueur.
Ayala a une marque en forme de triangle sur le front, tatoué avec une aiguille trempée dans l'encre noire et une autre à la base des seins. Ces deux étranges triangles représentent l'avenir et le passé. En bas de son dos, elle a également la rune du savoir et de la connaissance tatouée, s'entremêlant à celle de la puissance. Un fait peu connu est qu'elle utilise les runes de son corps lors de ses enchantements, comme faisant partie intégrante des cercles runiques qu'elle trace au sol. Comme si elle était l'un des chaînons du rituel.
L'on dit souvent d'Ayala qu'elle est mignonne, mais c'est sans vraiment l'avoir observé. Elle s'habille souvent comme un homme, ou de vêtements amples et confortables, la seule touche féminine qu'elle s'autorise étant des bijoux, parfois enchantés, mais plus rarement.
Ses mouvements sont vifs et précis, mais elle se tient sans grâce, se montrant très masculine dans ses gestes et ses postures.
Sa voix est à son image : ambiguë. Pas désagréable en soi, mais un peu trop rauque pour être très féminine, bien que ce ne soit pas non plus celle d'un homme. Ses mains sont abîmées par son travail d'ébéniste, ses ongles courts, certains de ses doigts très légèrement calleux.
Lorsqu'elle se bat, elle utilise tant la force contondante de son bâton pour assommer son adversaire que l'enchantement complexe qui l'habite. Généralement un bon coup du bois dur dans les côtes ou l'estomac suffit à ce que l'on arrête de lui chercher des noises. Plus sportive que l'on pourrait penser, elle a des muscles secs et nerveux, lui donnant une force surprenante pour un si petit bout de femme.

La vie réserve de drôles de surprises.
Toute sa vie, elle avait rêvée d'être quelqu'un d'autre. De pouvoir, de gloire et de renommée. Mais ces choses là, elle en ignorait l'amertume. Et que le prix à payer pour ses rêves immatures serait celui du sang.

Ayala était la troisième enfant d'une famille de mineurs du Duché de Shana. Leur père travaillait dans l'une des mines d'or, pour un salaire suffisant à peine à nourrir les trois sœurs et le petit dernier. Malgré tout, les parents étaient aimants. Leur vie très modeste était dure, d'autant plus dans cette région glaciale. Mais c'était la leur et tous semblaient s'en accommoder.
Pas Ayala. Très jeune, elle avait voulu être chevalier, sachant très bien que sa naissance ne pouvait pas la rendre Noble, peu importe comment elle s'y prenait. Alors si elle ne pouvait être de la noblesse, elle serait donc quelqu'un d'aussi prestigieux.
Un chevalier, c'était très bien aussi. Et puis l'avantage était qu'elle pourrait être adoubée, peu importe son extraction. Avant cela même, elle avait pensé être peut-être une bâtarde de quelque riche Noble - pourquoi pas même de la famille impériale - mais une claque de sa mère quand elle avait soulevé l'idée qu'elle ai pu se faire trousser ailleurs lui avait confirmé que, non, décidément, elle n'était pas une bâtarde.

Ayala ne s'était jamais spécialement entendu avec la fratrie et les autres enfants du village de mineurs. Elle était bien trop imbue d'elle-même. Trop bagarreuse, elle ne loupait jamais une occasion de se battre avec les garçons du village. Elle maniait les bâtons et autres gourdins avec aisance. Il lui fallut attendre ses treize ans pour réaliser qu'un gourdin ne la rendrait jamais chevalier. Ses rêves se brisèrent à la constatation qu'elle risquait plutôt de finir comme sa mère - elle n'avait rien contre elle, cela dit - à s'occuper des marmots et de la cuisine. Ou même comme son mineur de père. Mais même cette dernière idée était préférable à devenir une matrone au foyer. Il y avait ses grandes sœurs pour ça. A seize ans, l’aînée était promise au forgeron. Quel avenir, vraiment.
Ses rêves se brisèrent donc comme le bâton qu'elle frappa si fort contre un gros rocher glacé... Mais le bâton, étrangement, se reforma, comme s'il n'avait jamais gît au sol en deux morceaux.

Elle n'avait pu être Noble, ni Chevalier, mais elle allait être Mage, d'autant plus que la tour des Mages était dans leur Duché - ça ne pouvait être que le destin. Elle en sauta de joie. Mais Ayala avait l'imagination fertile depuis toujours et personne ne crut à son histoire de bâton. Sa mère lui ordonna d'un air las d'aller puiser de l'eau et de préparer les pommes de terre, enceinte jusqu'aux yeux du cinquième enfant de la famille Determor.
Malgré toutes les gentilles moqueries de ses sœurs et celles - moins gentilles - des gamins du village, elle garda la tête haute, persuadée qu'on viendrait la chercher tôt ou tard. Et de préférence tôt.

Les semaines passaient et rien ne vint. Elle fêta son anniversaire - elle était née le huitième mois de l'année, durant l'hiver - et eut finalement quatorze ans. Et rien. Toujours rien. Elle avait beau prier, presque tous les jours. Personne ne s'était encore présenté.
Piquée au vif - elle n'avait pas rêvé - elle fit une chose particulièrement stupide : elle fit simplement son baluchon un soir et profita de la nuit pour s'enfuir. Elle n'emporta avec elle que le bâton de marche en sapin - celui qui s'était reformé - et quelques menues affaires, un peu de viande séchée, une miche de pain noir et des fruits confits. Ce fut ainsi qu'elle prit la route pour la Tour des Mages.
Puisqu'ils ne venaient pas, elle irait à eux. Elle ne savait pas, bien sûr, que le Mage chargé de venir la trouver n'était plus qu'à quelques jours de marche du village.

S'aventurer ainsi sur les routes en plein hiver, alors qu'on n'y était pas vraiment préparé était suicidaire. Mais Ayala avait une volonté de fer, sous ses dehors rêveurs. Elle souffrit du froid, de la faim et manqua plus d'une fois de se perdre. Cependant, elle resta en vie, s'accrochant à son rêve. Au besoin de se tirer hors de la fange qu'elle avait toujours connu.
Elle parvint finalement à la tour et ce fut une fillette de quatorze ans, très amaigrie, avec une bonne grippe, qui frappa tout naturellement à la porte en disant qu'elle était Mage et qu'elle voulait étudier.

Les premiers mois ne ressemblèrent en rien à ce qu'Ayala avait imaginé. Passé la surprise première, on l'avait évidemment acceptée - puisque son instructeur était revenu dans les quelques jours qu'avait pris la décision, prévenu par magie que son élève était bien arrivée. Elle s'imaginait des tas de choses sur la Tour des Mages, mais apprendre la magie, ainsi que de nombreuses autres choses plus générales - comme la lecture, l'écriture, l'histoire... était fastidieux et bien plus rebutant et ennuyeux qu'elle avait pensé. On n'allait pas chasser des créatures et sauver des villageois terrorisés de quelque mal ignoble... Non, on restait à la tour, à lire, à écouter ses instructeurs et à apprendre - pour elle - l'art délicat de l'ébénisterie.
Et puis il y avait Caapri. Son instructrice principale. Cette dernière était une femme approchant de la quarantaine, très stricte. Elle n'avait jamais digéré qu'Ayala soit venue elle-même à la Tour et était d'autant plus sévère avec la jeune tête brûlée qui provoquait les autres mages et mélangeait pouvoir et arrogance.
A la fin de la première année, il fut clair qu'Ayala et Caapri n'étaient pas du tout sur la même longueur d'onde.
Le seul moment où Ayala était étrangement calme, c'était lorsqu'elle travaillait le bois. Le noble élément l'apaisait et elle apprit à le connaître, à ne pas se mélanger dans les essences rares ou plus communes et à le travailler sans l'abîmer.

Les années passèrent ainsi, comme dans un rêve. Peu à peu, Ayala s'était faite à la vie de la tour. Elle avait déjà vingt ans et Caapri ne semblait pas décidée à faire cesser son instruction. Elle lui répétait souvent qu'elle n'était pas encore prête et qu'il ne fallait pas confondre vitesse et précipitation. Pourtant, Ayala savait qu'elle était douée dans son domaine. Elle connaissait presque toutes les runes, elle réussissait la plupart de ses enchantements, même les plus audacieux. Pour elle, il était grand temps de terminer son instruction et de partir à la conquête du monde afin de devenir la meilleure dans son art et de vendre ses bâtons aux plus grands de ce monde. Elle s'imaginait invitée à la table de Nobles qui vanteraient ses créations. Elle se voyait en train d'user des bâtons de combat qu'elle confectionnait dans des joutes épiques afin de sauver des vies. Cela finissait invariablement dans son imagination en des célébrations en son honneur.
Etre quelqu'un de puissant et d'influent, c'était son rêve et son but. Un rêve égoïste.

Ce fut l'été de ses vingt ans que ce qu'elle attendait depuis toujours arriva. Elle avait toujours prié pour se retrouver confronté à quelque chose d'épique, après tout. Les dieux avaient peut-être décidé de lui donner une leçon.

Caapri et elles se trouvaient dans la forêt de pins qui jouxtait la tour, l'une accompagnant l'autre à la recherche d'une branche de bonne taille pour élaborer un bâton enchanté. Elles marchait depuis un moment, la tour disparaissant lentement sous les cimes des arbres si denses qu'on ne voyait plus le ciel. Ce n'était pas la première fois que des apprentis venaient dans la forêt avec leur mentor.
Mais cette fois-ci, alors qu'Ayala jetait son dévolu sur une branche idéale tout en escaladant un monticule de rocs - couverts de mousse à cette période plus clémente de l'année - elle tira d'un coup sec pour décoincer le bois de la roche et bascula à la renverse. Ni Caapri ni elle n'avaient vu la petite crevasse dans laquelle elle glissa sur quelques mètres, jusqu'à atterrir dans un creux de roc alors que la voix de Caapri résonnait en l'appelant.
Sonnée mais entière, Ayala les vit soudain dans la pénombre... Deux gros Crocs-Vifs, un mâle et une femelle... Et quatre petits qui piaillaient de peur. Les fauves n'hésitèrent pas en se sentant si directement menacés et ils fondirent sur la jeune fille qui crut sa dernière heure finalement arrivée.
Mais, au moment où les gueules et griffes redoutables allaient la mettre en pièce, il y eut un puissant éclair bleu à l'entrée de la tanière. Caapri se tenait là, prête à user de ses enchantements. Les fauves reculèrent quand la foudre s'abattit juste devant leurs pattes. Ayala, elle, pour la première fois de sa vie, poussa un hurlement de désespoir. Derrière Caapri se trouvait une autre grosse femelle. Il ne fallut qu'un instant pour Caapri pour comprendre que si elle mourrait ainsi, Ayala y passerait également. Alors elle dégrafa son pendentif et il y eut un instant de silence assourdissant avant qu'il ne touche le sol. Ayala cria le nom de son mentor mais c'était trop tard. Car en se brisant sur le sol pierreux, l'enchantement du cristal se déclencha en une déferlante de feu, une véritable fournaise qui grilla les Crocs-Vifs alors que la jeune Arcaniste se protégeait les yeux du brasier et roulait derrière une pierre afin de ne pas brûler vive.

Lorsque le feu se calma, il ne restait dans la tanière que des corps calcinés. Et Ayala qui pleurait près de la forme humanoïde qu'était le cadavre de son mentor.
Il avait fallut qu'elle périsse pour que l'apprentie comprenne : elle était depuis bien longtemps tombée amoureuse de cette femme qui venait de donner sa vie pour elle.

Cet hiver là, ce fut en temps que Mage confirmée qu'Ayala quitta la tour. Mais ce qui aurait du être un triomphe n'était qu'un énorme fiasco. Caapri était morte. Et quelque chose en Ayala s'était brisé à ce moment là. Les sentiments lui avaient explosé en pleine figure, à la manière des brisures de l'enchantement de feu... Son mentor avait donné sa vie pour elle. Mais Ayala n'avait jamais voulu être protégée. Elle aurait pu s'en sortir... Ou mourir en essayant. Mais parce qu'elle avait été trop faible pour se défendre, la femme qu'elle admirait et aimait était morte.

La magie ne défait pas tout, apprit-elle. Elle n'enlève ni le chagrin, ni la culpabilité, ni même le manque.

Alors, pour oublier peut-être, elle parcourut Talrëa, quittant le duché où elle avait toujours vécu, mettant aussi le plus de distance possible entre elle et la tour. Elle mit certains de ses enchantements au service de ceux qui en avaient les moyens. Le temps changea la douleur en amertume et la culpabilité en solitude.
Elle voyagea dans des duchés exotiques, découvrant en vrai des essences d'arbres rares et s'employant à en faire bâtons de réalisation exceptionnelle. Elle était douée, mais avait payé le prix de sa faiblesse d'autrefois. Alors elle s'employa à se créer un bâton enchanté plus puissant que tous les autres qu'elle ait jamais créé. Elle travailla pendant des mois et des mois jusqu'au jour où elle l'acheva, lors du solstice d'hiver. L'enchantement épouvantable était parfait : mais pour la première fois elle eut peur de sa propre création. Peur qu'elle tombe entre de mauvaises mains. Alors elle le garda pour elle, gardant les secrets des pouvoirs du bâton pour elle seule. Peut-être aussi pour ne plus jamais dépendre de personne pour survivre. L'enchantement de son bâton était bien trop dangereux pour être remis à quiconque ou même simplement employé à la légère.
Elle reprit son errance, ses pas la conduisant dans le duché de Grenat, attirée par les vastes espaces de canopée encore sauvages où l'on pouvait trouver des bois rares, là où les arbres ont des troncs de la taille d'une petite maison.
Ce fut là qu'elle découvrit pour la première fois les Choreus : d'immenses insectes de la taille d'un grand poney qui se nourrissaient de bois. Aveugles et sourds, ils se dirigeaient grâce à des ultrasons. Contrairement à leur apparence effrayante et leur gueule ornée de crocs acérés, c'était en fait des créatures plutôt dociles. L'Arcaniste l'apprit à les côtoyer : elle-même campait non loin de la colonie d'une dizaine d'individus afin de faire des recherches sur les arbres de la région. Les Choreus la laissaient tranquille et elle faisait de même... Jusqu'à ce que lui vienne l'idée insolite de tenter de voir s'il était possible d'en apprivoiser. Avec leurs dents étonnantes, elles étaient capables de scier un arbre modeste en un rien de temps... La cohabitation d'un ébéniste et de ces espèces de termites placides géantes lui semblait couler de source.
Il lui fallut plusieurs semaines mais elle parvint à apprivoiser un Choreus et à l'utiliser comme monture. L'insecte réagissait comme un gros poney, compensant sa cécité par une sensibilité au poids du corps de sa désormais maîtresse.
Un Choreus, une espèce rare et effrayante par son apparence lui semblait la monture idéale pour réapparaître dans le monde des vivants.
Depuis, Ayala sillonne l'Empire à sa guise, sans jamais s'attacher. Elle a prit goût à la solitude et ses relations avec les humains sont pour le moins tendues et désagréables. Mais s'ils ne sont pas contents, ils n'ont qu'à aller acheter des enchantements ailleurs...