Il est dit qu’il est parfois bon de parler de soi-même. J’imagine que ce n’est pas tout à fait faux.
Je suis une personne qui sourit souvent, facilement. Une certaine douceur, voir candeur, ressort de mon attitude. Mais je suis aussi relativement timide, et facilement apeuré. On peut me traiter de lâche, de pleutre, et même si cela me fait mal de l’entendre je ne puis que dire que c’est vrai.
J’ai peur de la douleur, j’ai peur d’avoir mal. Et surtout, je suis facilement impressionnable, ce qui est un défaut qui ne m’a vraiment pas aidé dans le passé.
Mon frère m’a toujours dit que j’étais trop doux, trop niais, surtout pour la vie que nous menions alors. Je pense qu’il a tout a fait raison.

Je suis quelqu’un qui aime le calme, les arts, la sérénité. J’ai peur des conflits, et je les fuis. J’abdique dans la peur de mal faire, et je reste à l’écoute de la douleur des autres. Ma propre douleur ? Je la garde : en moi. Pour encore combien de temps pourrais-je supporter cela ? Je l’ignore.
J’ai conscience d’avoir mal, mais je me dois d’apporter le bonheur et la joie sur les visages environnants. Surtout les enfants. Ils méritent de voir la Vie de la plus belle des manières. Je me refuse à ce qu’il connaisse ce que j’ai connu.

Au fond, je suis un homme faible qui cherche à faire le fier à bras : le fort. Je suis une personne abusée, mais qui continue d’espérer que l’on peut faire confiance aux gens. Car je me dis qu’au final, l’humain n’est-il pas fait pour vivre tous ensemble ? Nos différences ne sont-elles pas ce qui donne tous son bonheur à notre vie ? Et pourtant…L’homme s’évertue à se détruire. Et je trouve ça d’une infinie tristesse.

Mon corps…J’imagine que je dois dire que je suis chanceux à son sujet ? Pourtant, je n’aime pas mon apparat. Je suis relativement grand, un bon mètre quatre-vingt huit au bas mot, mais je suis aussi une « grande tige ». Oui, grand mais fluet, presque frêle d’ailleurs.
Mes traits du visage sont fins, voir androgyne. Mes yeux d’un bleu clair ensorcelant selon ceux qui s’y sont perdus. Mes cheveux, courts mais naturellement rebelles, sont comme des fils d’or ou des mèches au reflet de la Déesse Mère, Noble Solyma.

Mon physique a longtemps fait des envieux. La grâce de ma gestuelle m’a souvent attiré à la fois chance de survie, et tristesse. Mes longs doigts fins ont fait qu’on a voulu m’initier à l’art musical. Mes lèvres fines font qu’on m’a souvent voler des baisers et pas forcément sans violence.
Mon corps est le reflet du passé que je fuis. Il est délicat, il attire les regards…Je ne l’aime pas, mais je fais avec. Après tout, mon corps transpire de douceur : et ça, les enfants aiment.

Mon…Passé ? Je vous avouerai ne pas en parler très souvent. En fait, il serait plus exact de dire que j’évite de parler de moi la plupart du temps. Mais soit, allons-y.

Je suis né dans un petit village du Duché d’Amecar. Mes parents n’étaient pas bien riches vous savez, de simples travailleurs de la terre. Et puis, je devais être leur deuxième enfant. Leur aîné étant une fille, ils voulaient un héritier. Ils savaient qu’ils pourraient gérer avec un enfant de plus. Mais, ironie ou non, ils n’eurent pas un mais deux enfants.
Je ne suis pas né seul. J’ai un frère, un frère jumeau. Nous nous ressemblons vraiment beaucoup, de véritables copie conforme lui et moi. Kanon qu’il se nomme, et quant à moi c’est Kotha. Et si nous avons été bénis par les Lunes comme le veut la coutume, nous n’étions pas les bienvenus dans notre famille.

Les enfants, cela coûte cher. Et nos parents n’avaient pas assez pour trois enfants. Des héritiers, ils en avaient désormais deux. Deux qui pourraient reprendre la ferme…mais, encore fallait-il que nous vivions jusque là !
J’étais faible de corps. Très faible. Kanon a toujours été un peu plus robuste que moi, alors que j’étais délicat. Dans tous les cas, nous avions six ans quand nous avons été vendus lui et moi, pour permettre d’éponger les dettes de nos parents.

C’est à Sumendi que nous sommes arrivés. Acheté dans le seul but de rejoindre une maison de passe. Là, j’ai apprit à parler correctement, et l’utilisation du clavecin. J’ai apprit à servir une personne correctement, et à mette en valeur mon faciès androgyne. Tout n’avait qu’un but, faire de moi et de mon frère une attraction parfaite pour de riches personnes avides de jeunes garçons.
C’est horrible à imaginer ? Et pourtant, cela existe ! Mais la maison de passe où nous étions mon frère et moi fut découverte et fermée à cause de justement…ce genre de « service » qu’elle offrait.

Cependant, nous avions fuit…A l’âge de quatorze ans nous écumions les routes en gagnant de l’argent avec notre corps. Nous n’avions, finalement, connu que ça. Nous avions apprit à charmer et certaines choses que j’aurais aimé ne jamais connaître. Homme ou femme, cela ne nous a jamais importés. Donner notre corps contre de l’argent, un toit, un repas ou quoique se soit ne nous choquer pas. C’était là la réalité de notre vie, de ma vie. Car je détestais ça. Car je déteste ça.

Arriver à Felios, nous avons continué. Trouver un toit, vendre son corps. Prendre soin de son corps…Kanon semblait se complaindre dans cette existence et il a toujours sut s’en sortir. Je n’ai jamais sût s’il agissait ainsi par absence de tabou ou de malaise…ou encore, si c’était pour me protéger. Car il me permettait d’avoir moins de « clients ».
C’est là que je découvris le Temple de Solyma de Felios. Si grand…Si luminueux…Et tous ces enfants sans parents qui semblaient protéger par les prêtres et prêtresses. J’étais…J’étais envieux, captivé, et si j’y allais en catimini, un prêtre me repéra et finalement me guida.

La foi s’éveilla en moi et n’a jamais faiblit. Je m’éloignais de mon jumeau. Je voulais qu’il cesse de vendre son corps, lui ne voulait pas. J’ai fait mon noviciat en laissant Kanon seul. Seul dans les faubourgs, les plus bas quartiers de Felios, avec les dépravés qui s’y rendent.
Ce n’est que bien plus tard, alors que j’étais devenu Prêtre depuis deux ans, et qu’on venait de m’assigner au Temple de Solyma en Felios, que je sus que mon passé restait là, tapis : en sommeil. Et pourtant, je suis de retour dans cette ville où les rues les plus sombres me font peur. J’ai évité Sumendi, certes, mais Felios me font aussi peur. La tension dans le cœur des habitants…le vice cachait du genre humain. Je me demande : où es-tu Kanon ?