Il est difficile de se faire une idée précise de la personnalité de Keola, tant celui-ci parle peu et garde ses pensées pour lui-même.

Il garde presque sans arrêt cet air renfrogné, perdue dans de sombres pensées. Peu bavard, il se contente de hocher la tête en guise d'assentiment et ne fait que très peu souvent part de ses opinions. En résulte un Traqueur d'une extrême loyauté et d'une obéissance à toute épreuve, quand bien même les missions lui déplairaient.
Cependant, en tant qu’Archimage, Keola possède une grande dignité en accord avec son code d'honneur, et refusera d'obéir à des ordres ou des méthodes entrainant lâcheté, déloyauté ou déshonneur.

Et en plus de dignité, ses silences faussent l'attitude de Keola qui semble dicté par un orgueil et un égo démesurés, pouvant parfois le faire paraître arrogant, chose qu'il s'efforce tant bien que mal de désapprouver. Évidemment, cette vanité et cette confiance excessive en lui-même est dénuée de fondements, bien que que Keola soit réputé pour être l’un des meilleurs mages de Sorëan, et il le prouvera encore et encore si besoin est.

Ainsi, il fait abstraction de tout sentiment superflu, et reste en général en retrait, seul avec ses pensées et ses poèmes. Keola ne s'emporte jamais sans une très bonne raison. Très calme, attentionné et observateur, il passe une bonne partie de son temps à réfléchir, ce qui fait de lui un excellent tacticien. Bien qu'il ne sourit pour ainsi dire jamais, il reste un homme bon, désireux de plaire, et quelqu'un d'attachant bien que semblant taciturne, à tel point qu'on pourrait oublier qu’il y est vraiment.

Bien que les dires et les écrits, en rapport avec les rumeurs des combats le décrivent comme un homme dans la force de l'âge couvert de balafres, Keola est en réalité un jeune homme de belle stature, mesurant plus ou moins 1 mètre quatre-vingt pour 70 kilos tout au plus. Premier détail frappant de sa physionomie, son regard. Des yeux d’un bleu profond souvent balayés par des mèches de cheveux cendrés comme la lune. Mais Keola possède ce genre de regard, le regard indescriptible, à la fois neutre et glacial, qui a tendance à mettre mal à l'aise la moindre personne qui oserait s'y plonger.

Pour être exact, le jeune homme dénote quelque chose de vaguement inquiétant, que ce soit au niveau de son physique, de par son étrange regard, ses muscles noueux dont la linéarité n'est brisée que par de légères cicatrices, la clarté de sa peau si pâle qu'elle en paraît presque blanche. Quant à son visage, il est assez beau tout en restant banal. Ovale, aux fines lèvres à peine rosées surmontées d'un grand nez peu avancé, peu épais, presque inexistant, en fait. Démarche gracieuse et implacable. Buste fier émergeant de la nuit. Même la façon de bouger de Keola, ses mouvement précis, calculés, sa façon de remuer les doigts, de les passer sur le tranchant de ses armes, sa manie de jouer des épaules, sa gestuelle globale, a quelque chose de déroutant, troublant au point de faire courir un frisson le long de l'échine.

Richement équipé pour les standards de son époque, mais sans ostentation, Keola est vêtu de vêtements simples, sans artifices ni valeurs particulières, hormis lorsqu’il revêt par-dessus sa toge d’Archimage. Pas d'orfèvrerie d'aucune sorte, ni le moindre bijou ne vient orner le jeune homme.

Les grains de sable dessinent les parois du sablier et tombent, tombent inexorablement. Vingt-trois heures approche, les couleurs du crépuscule se forment au travers de la vallée. Nous sommes dans une contrée lointaine, où les armes et le sang des guerriers ne coulent plus depuis de longues années. Une modeste demeure surplombe le paysage du haut de son pic acéré, tel un croc déchirant la voûte céleste. L'obscurité entourait la maison et très vite le crépuscule lunaire prit le dessus. Régnant sur le champ d'étoile, la faucille d'argent illuminait les environs de sa lueur sinistre repoussant les passants de s'aventurer dans ce coin aux mauvaises réputations. Pendant que les chants nocturnes composaient le prélude de la nuit, un étrange événement allait se produire dans la sombre demeure. Une famille composée d'un homme, de sa femme et de leur fils passait une soirée pour le moins paisible lorsque des craquements de branches se firent entendre par delà des murs. Le père jeta un coup d’œil furtif par la fenêtre et comprit vite que les hommes qui s'approchaient venaient pour lui et sa famille.

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Les deux parents étaient d'humbles marchands de route, vendant divers outils, potions et bric à brac. Mais le commerce ne marchait pas toujours comme ils le souhaitaient et ils décidèrent d'investir dans le marché noir et faire place au troc. Au début ils ne le faisaient que rarement et contre pas grand chose, mais au fil du temps le couple déployait leurs ailes noires et finissait par pactiser avec l'ennemi pour de lourdes sommes d'argent. Ils devinrent connus dans le monde du marché noir pour leur méthode "peu communes" et malheureusement pour eux les rumeurs ne tournaient pas toujours en leur faveur. A jouer avec le feu, les deux amants se brûlèrent les ailes et employèrent les grands moyens ; ils dissimulèrent leur fortune et incendièrent l'habitat qu'ils s'étaient procurés, effaçant toutes trace de leur vie passée. Ils s'installèrent avec leur fils, qui n'avait qu'à peine quelques mois, dans cette modeste demeure perdue au fin fond d'une vallée. Ils n'espéraient qu'une chose c'est qu'ils soient oubliés et que personne ne vienne fourrer son nez (ou son museau) trop près de chez eux. Un an s'écoula ainsi, mais il n'a fallu qu'une année à un client pour s’apercevoir d’une escroquerie et envoyer ses « chiens de garde » retrouver la famille marchande.

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Le père empoigna son fils par la taille et le déposa dans la pièce la plus proche, n'étant autre que la cuisine. Il ferma la porte au nez de son protégé et lança la clef dans la bouche de la cheminée qui embrassait le bois de ses lèvres enflammées. La mère joignit ses mains à celles de son mari et tremblait de peur sur le sort que ces hommes allaient leur réserver. Les chevaux des deux marchands hennirent à l'approche des individus qui percutèrent la porte en bois, afin de pénétrer dans la demeure. Le père avança, tête baissée, signe qu'il était désolé pour ce malentendu et qu’il était prêt à négocier un nouveau prix. Le chef de la troupe fit quelques pas dans sa direction et leva son épée au plafond avant de l'abattre sur le cou du père, décapitant la victime d'une traite. La femme poussa un hurlement en voyant la tête et le corps de son mari retomber lourdement sur le sol, laissant le sang se déverser du cadavre. Le jeune Keola sursauta en entendant sa mère crier et s'empressa de porter ses mains sur la poignée, essayant désespérément d'ouvrir la porte, les yeux noyés sous des larmes de frayeur. Les claquements de la poignée attirèrent l'attention du chef qui posa une main dessus. La femme tremblait de peur rien qu'à imaginer l'horreur si ils trouvaient son fils, elle saisi la pelle à cendre et frappa de toute ses forces sur la tête du chef de l’escouade. L'un des subordonnés de l'homme se jeta sur elle et lui porta un coup dans l'estomac, laissant la victime s'étaler aux côtés de son défunt mari.

Le chef porta une main hésitante sur sa blessure et regarda furieusement le peu de sang couler sur sa peau. Lui le chef de la section de traque, se faire blesser par une femme. Son honneur allait en prendre un coup si un de ses hommes en parlait dans son rapport. Son attention revint sur la poignée qui cessa de bouger. Intrigué par cela, il ordonna l'enfoncement de cette porte, ce qui fut aussitôt fait. La cuisine était aussi sombre qu'un four à pain et un sinistre silence y régnait. Le chef envoya un subordonné rentrer dans l'obscurité pour y allumer une torche. Le désigné s'exécuta malgré la peur qui s'imprégnait en lui à l'idée de faire un pas dans cet endroit lugubre. La flamme de la torche éclaira la pièce de sa lueur dansante et le capitaine pénétra à son tour avec deux de ses hommes. Ils inspectèrent le lieu et n'y trouvèrent rien de vivant à leurs yeux. Au moment de faire demi-tour un grincement se fit entendre et le jeune Keola déboula d'un placard et se rua sur un des hommes en lui poignardant le pied. L'homme poussa un cri étouffé en s'effondrant à terre, serrant son pied, sous les yeux de ses camarades. Le garçon voulu recommencer son coup mais la chef réagit avant et l'assomma du pommeau de son épée. Les hommes quittèrent la maison en emportant l'enfant évanoui. Arrivée dans la capitale de Talrëa, la troupe partit faire son rapport de mission, laissant le chef s'occuper du sort du gamin. Le gradé continua la route jusqu'au nord et rendit visite à un vieil ami, s’isolant du reste du monde de part son opinion et sa solitude. Il lui confia l'enfant car il disait ne pas éprouver de plaisir à tuer des enfants. D'après lui, ces derniers ne savaient pas exprimer convenablement la souffrance et le désespoir.

Keola grandit donc en compagnie de ce vieil homme qui lui administrait chaque jour un sort des plus étranges, affectant les souvenirs de celui qu'il touche. Il peut à sa guise, en effacer laissant comme substitut un rideau blanc voilant le passé. Malheureusement, cette technique qui pourrait s'apparenter à une magie des arcanes, disparue à la mort de son utilisateur. Le jeune protagoniste, alors âgé d’une quinzaine d’années, était un humble prestidigitateur. Déjà très débrouillard pour son jeune âge, il vagabondait de villes en villes pour honorer son gagne pain. Dans un dernier souffle son "grand-père" lui confia le lieu où résidait l'homme qui lui avait sauvé la vie d'un, soi-disant, terrible incendie. Keola entreprit alors de mettre ses talents aux services de l’empire afin de recueillir des informations sur la dite personne. Quatre longues années passèrent là bas et aucune de ses recherches n'avaient abouties. Mais Keola avait réussi un exploit, celui de se faire remarquer par un mage de haut-rang siégeant au Conseil des Mages. Il examina le jeune homme pendant une longue période avant de lui proposer d’intégrer la prestigieuse école à la Tour des Mages. Keola n’ignora pas l’opportunité qui se présentait à lui et encore moins la source d’informations qui s’ouvrait en acceptant l’offre.